economie
Voir au delà du PIB
Comment modifier le comportement des acteurs économiques et réorienter les flux financiers vers les entreprises les plus sociales et les plus écologiques ? Comment mesurer la performance économique ? Ces questions se posent depuis plusieurs années sans recevoir de réponse totalement satisfaisante.
Le but essentiel de l’économie de marché consiste à produire de la richesse, générer des flux financiers, attirer les capitaux et rémunérer les actionnaires. Si l’activité économique est réduite à la production de richesse, alors, le PIB (produit intérieur brut), qui additionne les richesses produites sur le territoire national par les divers acteurs économiques, constitue l’outil de mesure parfait. Or le PIB additionne sans distinction, la production industrielle, l’argent dépensé à soigner les cancers ou les maladies neuro-dégénératives, la consommation de carburants gâchés dans les embouteillages, les dégâts causés par les catastrophes naturelles... Pourrait-on admettre que pour mesurer la qualité d’un mur il faille seulement tenir compte du nombre de parpaings et de sacs de ciment utilisés pour sa construction ? Il est facile de comprendre que ce mur doit avoir la hauteur et la longueur prévues, être vertical, avoir des joints réguliers et être conforme aux plans de l’architecte. Pour « mesurer » la qualité de ce mur, il faut donc des outils non économiques, mètre, niveau, fil-à-plomb.
Utiliser le PIB comme seul outil d’évaluation, c’est considérer que l’unique but de l’homme est de produire et consommer toujours plus. C’est évidemment absurde. Comment fait-on alors pour mesurer les performances sociales et environnementales d’une politique économique ? Où doit-on faire peser les efforts de l’Etat pour améliorer les conditions de vie des citoyens ? Comment peut-on chiffrer les apports du travail bénévoles des associations, la répartition des richesses entre citoyens, la qualité de vie, le niveau intellectuel des populations, la participation des femmes à la vie économique, le nombre de personnes en chômage longue durée, la qualité des logements, l’épuisement des ressources naturelles, la disparition d’espèces animales et végétales... ?
De nombreux indicateurs complémentaires doivent donc être mis en œuvre selon ce que l’on veut mesurer.
L’Indice de Santé Sociale, ISS, prend en compte des critères de santé, éducation, chômage, pauvreté, accidents et risques divers. C’est grâce à cet indice que l’on a montré aux Etats-Unis que l’augmentation du PIB pouvait s’accompagner d’une forte baisse de la santé sociale et d’une augmentation du chômage et de la pauvreté.
Le BIP 40, Baromètre des Inégalités et de la Pauvreté , reprend des données statistiques concernant les inégalités, la pauvreté, les revenus, le logement, l’éducation, la santé... La référence 40 est juste un clin d’œil au CAC40, indice boursier prenant en compte l’évolution de 40 entreprises cotées en bourse.
L’IDH, Indicateur de Développement Humain se décline sous différentes formes. L’IDH4 intègre : Un indice de durée de vie en bonne santé, un indice de niveau d’éducation incluant le pourcentage de la population sorti du système scolaire sans diplôme et un indice de niveau de vie prenant en compte les revenus imposables. Utilisé comme indicateur territorial dans la région Nord-Pas-de-Calais, il a permis de faire ressortir les inégalités entre les différents territoires de la région et de réorienter les politiques publiques.
Certes aucun des indices complémentaires ne peut rendre compte de l’ensemble des impacts d’une politique mais les crises financières qui frappent les états montrent clairement qu’il faut d’urgence repenser le système économique et donc dénoncer le PIB comme utopie toxique.
C’est dans ce contexte que les actions marginales, individuelles ou collectives, se développent. Personne ne peut affirmer que la " simplicité volontaire " ou " la sobriété heureuse " suffiront à elles seules à transformer la planète. Toutefois, comme le dit Jean-Claude Pierre "Quand les défis s’accumulent, tout doit être mis en œuvre pour bien montrer que des alternatives existent, quelles sont pertinentes, bonnes pour l’économie, respectueuses des équilibres naturels et créatrices de liens sociaux. Ce sont ces alternatives qu’il faut faire connaître et développer. Elles sont déjà bien plus nombreuses et bien plus variées qu’on ne croit généralement".
Tout ce qui se bricole dans la marge et au cœur des sociétés : AMAP, magasins de producteurs, presse alternative, commerces associatifs, actions culturelles de proximité, agroécologie, permaculture, incroyables comestibles, énergie citoyennes, Terre de Liens, mouvements de libération des semences..., tout ceci est indispensable pour retrouver l’esprit de solidarité, reprendre espoir et desserrer les contraintes, en filigrane, dessiner une autre voie.
Sources , Bibliographie
"Pour une nouvelle narration du monde" Ricardo Petrella,
"Le capitalisme à l’agonie" Paul Jorion,
"Made in local" Raphael Souchier.
Institut de Silfiac. www.institutdesilfiac.org/