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Défendre l'environnement

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Pesticides et AMM:les incertitudes

4 Mars 2018 , Rédigé par ADENY Publié dans #pesticides

Les produits phytosanitaires obtiennent leur autorisation de mise sur le marché (AMM) au terme d’un long processus d’homologation. La méthode employée donne t-elle des garanties que la toxicité du produit "autorisé" est bien maitrisée ? La réponse est NON.

Le plus souvent, quand les agriculteurs  sont interpellés sur la toxicité des produits qu’ils pulvérisent sur leurs cultures, ils répondent que tous les produits  qu’ils utilisent sont  légalement autorisés. C’est vrai, mais comment un fabricant de produits phytosanitaires obtient-il une AMM ?

Pesticides et AMM:les incertitudes

 En fait les AMM sont le résultat d’un processus largement empirique. Pour une molécule chimique donnée, on commence par déterminer la DL50, dose létale 50. C’est la dose de produit qui provoque la mort de 50% des animaux de laboratoires utilisés comme cobayes... des rats le plus souvent. Ensuite on divise la dose par 100, 200, ou 500 selon des critères empiriques et on essaie à nouveau sur des cobayes. Par tâtonnement on  obtient ainsi la DSEO, dose sans effet observable, c’est la dose maximum de produit que l’on peut administrer tous les jours, aux animaux tests, pendant un temps déterminé, sans déclencher d’effets biologique détectables. La DSEO s’exprime en mg/kg/jour. On divise encore par 100 et on obtient la DJA dose journalière admissible, dose de toxique qu’un être humain pourrait, théoriquement, absorber, tous les jours, sans aucun effet pour sa santé. Enfin,on pose la question réductrice suivante: Si un individu consomme 4 kg de pommes par jour, tous les jours, quelle dose maximum de   produit toxique peuvent contenir les pommes pour que la quantité   absorbée reste inférieure à la DJA. C’est ainsi que l’on fixe la LMR, limite maximum de résidu toxique admissible dans chaque aliment. Avec de telles marges de sécurité, on peut espérer être parfaitement protégés ! De même la limite de pesticides dans l’eau potable  fixée à 0,1 microgramme/ litre* maximum par molécule et 0,5 microgramme/litre maximum pour l’ensemble des molécules toxiques semble très protectrice. Il n’en est rien, voyons pourquoi.

Pesticides et AMM:les incertitudes

Les tests toxicologiques effectués sur les rats ne permettent de détecter que les effets à court terme. Un produit cancérigène, attaque les défenses immunitaires, détériore progressivement les cellules pour déclencher l’apparition d’une tumeur au bout d’un processus qui peut durer 20 ans et plus. Pour détecter une molécule reprotoxique, il faudrait mener des tests sur les animaux de laboratoire sur plusieurs générations. Un toxique mutagène provoque des détériorations de l’ADN cellulaire et induit des pathologies très variées selon le gène détérioré. La détection des molécules CMR, cancérigènes,  mutagènes et reprotoxiques, nécessite donc de très longues et très coûteuses études toxicologiques et le sacrifice de nombreux animaux de laboratoire.

Le calcul de la LMR part du principe qu’un produit toxique devient forcément inoffensif à très faible dose. Cette idée avait déjà été formulée par Paracelse, médecin, alchimiste et théologien suisse (1493-1541) sous la forme simplifiée "c’est la dose qui fait le poison". Evidemment les moyens de l’époque étaient très rudimentaires et on ne procédait pas à des observations de très longue durée. De plus, la notion de perturbateurs endocriniens, PE, était alors totalement inconnue. Les PE miment le fonctionnement des hormones naturelles ou perturbent leur expression dans l’organisme. Ils sont actifs à très faible dose et peuvent modifier la croissance, le développement de l’embryon, le sommeil, la circulation sanguine, les fonctions sexuelles...

Pesticides et AMM:les incertitudes

Enfin, pour les produits phytosanitaires, seule la molécule active a fait l’objet d’une étude toxicologique. Les multiples expériences menées sur le Roundup ont démontré que certains coformulants, adjuvants, surfactants ... étaient beaucoup plus toxiques que le glyphosate lui même.

Parmi tous les produits "autorisés" avec ou sans AMM, les plus toxiques peuvent être détectés, après coup, par des études épidémiologiques. La multiplicité des molécules suspectes provenant de l’agriculture, de l’industrie, des produits d’hygiène..., les mélanges  produisant des effets cocktail, la multiplication des voies de contamination, compliquent les recherches. Le benzène a été détecté a cause d’une augmentation significative de cancer chez les ouvriers de l’industrie chimique et les personnes habitant près d’une station service. L’amiante s’est fait repérer parce qu’elle est responsable de pathologies spécifiques : asbestose et mésothéliome. Pour la plupart des autres molécules, les effets biologiques resteront généralistes : génération d’hormones du stress (cortisol, adrénaline...) surproduction de radicaux libres, fatigue, irritabilité, troubles du sommeil, épuisement des défenses immunitaires... l’organisme résiste tant qu’il peut mobiliser efficacement ses mécanismes de protection.

Pesticides et AMM:les incertitudes

Avec la dissémination généralisée de molécules chimiques dans notre environnement les voies de contamination sont multiples : l’eau, l’alimentation, l’air extérieur et l’air intérieur de nos maisons, les poussières... Nous sommes donc en contact au quotidien avec ne nombreuses molécules chimiques. La toute récente enquête HAPPI, financée par deux structures citoyennes** a démontré que les pesticides viticoles se retrouvent dans les poussières prélevées dans les habitations proches du vignoble et dans l’école primaire de Listrac-Médoc. L’enquête ELFE*** a mobilisé plus de 4000 jeunes mamans sur lesquelles des prélèvements ont été effectués : cheveux, salive, urine, sang de cordon ombilical... le développement des enfants est suivi et les premiers résultats sont sans équivoque. Plus une maman est contaminée par des molécules chimiques, au moment de la naissance,  plus les enfants vont manifester de problèmes de développement : retard intellectuel, troubles de la concentration, difficultés d’apprentissage, difficultés de sociabilisation, affaiblissement du système immunitaire, malformation des organes sexuels... Dans ces deux études, la multiplicité des molécules toxiques mises en cause ne permet pas d’isoler l’effet d’une molécule parmi les autres mais le faisceau de présomptions sur la toxicité des cocktails chimiques s’épaissit. Le simple chiffre de l’augmentation des cancers infantiles, de 1% à 1,5% en moyenne tous les ans devrait provoquer une interrogation nationale. Malgré les AMM, les contrôles de l’eau, le suivi des pesticides alimentaires, les normes industrielles... l’"épidémie" continue de se propager. Tous cobayes : une réalité quotidienne.

 

NB : Dans l’émission d’Elise Lucet, Cash Impact, du 27 février sur FR2 nous apprenons qu’au cours des deux dernières années, 50 pesticides agricoles CMR avérés ont reçu leur AMM. C’est absolument inadmissible.

 

* 0,1 microgramme/litre : la masse du produit toxique ne représente que 1 dix milliardième de la masse du litre d’eau.

** collectif "Info Medoc pesticides" et  associations "Eva pour la vie"

*** Enquête menée par l’INED, Institut national d’Etudes Démographique et l’INSERM, Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale depuis 2011.

 

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