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Défendre l'environnement

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Low-tech pour tous?

30 Mars 2024 , Rédigé par ADENY Publié dans #low-tech

Low-Tech pour tous ?

De nombreux articles et sites internet présentent des idées, des plans de nombreux dispositifs de la vie quotidienne, réalisables par des bricoleurs avertis. Systèmes peu coûteux, fabriqués à partir de matériaux de récupération ou de composants industriels standards, faciles à entretenir et à réparer et couvrant les besoins de base de la vie courante, les Low-Tech sont aussi une parade contre l’obsolescence programmée et la sophistication technologique inutile.

Si construire des dispositifs Low-Tech est accessible a des bricoleurs avertis possédant un atelier et un matériel suffisant, et si, ponctuellement, tout le monde peut réaliser des objets qui lui seront utiles, ou à usage collectif, les réalisations restent peu nombreuses et présentent donc une diffusion limitée. Pour que la philosophie Low-Tech devienne un projet de société cohérent et se généralise, il semble nécessaire que des industriels proposent des produits conformes aux nécessités de l’époque, simples, modulables, faciles à entretenir et à réparer, conçus avec des matériaux recyclables. La version industrielle de la Low-Tech serait-elle anti-nomique ou complémentaire de la version "bricoleur"  ?

La démocratisation du bricolage ou du DIY (do it yourself) a séduit beaucoup de personnes. La mise en ligne de vidéos et de tutoriels, l’édition d’ouvrages techniques et de plans, toute cette documentation dans laquelle chacun peut puiser à sa guise, a fourni aux aventuriers du bricolage des idées de réalisation. Ces objets ont permis à certains d’acquérir des techniques, de reprendre le contrôle de leur environnement quotidien, de gagner en autonomie. Les réalisations les plus emblématiques de ces Low-Tech pures, comme petit mobilier, douche solaire, toilettes sèches, machine à laver à pédales, marmite norvégienne, séchoir et four solaires... peu chères à réaliser, utilisant souvent des matériaux de récupération sont pertinentes, parce qu’elles sont simples et ne posent pas de problème de sécurité. Au-delà de la satisfaction que l’on peut éprouver après la réalisation d’un objet technique utile, il faut quand même signaler deux paradoxes. Même si on peut envisager de n’utiliser que des matériaux de récupération comme du bois de palette ou des ventilateurs d’ordinateur, la méthode atteint rapidement ses limites. Le temps passé à trouver, démonter, vérifier les éléments nécessaires à votre réalisation est un obstacle majeur. Tous ceux qui ont déjà passé deux heures à démonter une palette pour récupérer quelques planches de solidité douteuse comprendront. Chaque objet réalisé selon cette méthode sera unique puisque dépendant des matériaux que l’on aura trouvé. Il faut avoir le temps, l’inspiration, l’imagination, pour produire un objet unique apparenté à une œuvre d’art. La Low-Tech basée sur l’utilisation majoritaire de matériaux de récupération ne peut pas constituer un modèle généralisable. Pour mener à bien un projet, il faut souvent envisager d’acheter du bois, du contre-plaqué, du triply, une vitre, un petit capteur photovoltaïque, une tôle ou un morceau d’acier inoxydable... provenant tous d’industries de haute technologie. Par ailleurs, si chaque bricoleur possède les outils de base, perceuse, ponceuse, scie circulaire, raboteuse... cet outillage, qui constitue quand même un investissement important, s’il ne sert qu’occasionnellement, sera sous-employé. Pour éviter cet écueil, il peut être utile de louer du matériel en faisant appel à une association de prêt ou à un magasin de bricolage qui propose ce type de prestation, ou de s’inscrire à des ateliers et chantiers participatifs où l’on pourra apprendre à se servir, en toute sécurité, des outillages classiques (1).

Pour produire ce qui nécessite un niveau technique élevé et des outillages coûteux, on peut faire appel à la version néo-artisanale des Low-Tech. Des artisans locaux peuvent proposer leurs outils et leur savoir-faire pour fabriquer des appareils adaptés à des besoins spécifiques, conformes aux nécessités pratiques, coconçus avec les utilisateurs, dépouillés de toute complexité technologique superflue. Dans cette catégorie, on peut citer l’atelier paysan, qui propose aux agriculteurs et aux maraîchers de réaliser eux-mêmes des outils simples parfaitement adaptés à leurs besoins. Dans leurs ateliers, ils organisent des stages au cours desquels les futurs utilisateurs peuvent trouver les matériaux, les plans, l’outillage et les conseils de techniciens confirmés. Ils repartiront avec l’outil qu’ils auront réalisé, capables d’en assurer l’entretien et la maintenance, ayant appris les notions d’électricité, de mécanique, de soudure pour être autonomes.

Dans le même ordre d’idée, on peut trouver des stages où apprendre à construire : chauffe-eau solaire, petit poêle de masse, éolienne rustique, yourte, tiny house... (2) Là encore, on fera appel à des outillages spécialisés : machine à bois, poste de soudure, découpeuse laser, imprimante 3D ... et de matériaux tels que aciers spéciaux, roulements à billes, films respirants ou briques réfractaires, tous éléments issus d’industries de haute technologie. Est-il envisageable de se passer de l’outil industriel, et l’artisanat peut-il

avoir réponse à tout ? Le forgeron du village pourrait-il fabriquer à un coût raisonnable une serrure ou un dérailleur de vélo ? Philippe Bihouix écrit (3) "En “démécanisant” à ce niveau, nous y perdrions beaucoup, et sans doute trop, en capacité de production pour de nombreux produits de base, sans forcément gagner grand-chose sur la consommation d’énergie ou de matières premières. (...) il sera donc sage de conserver de petites usines et des ateliers spécialisés, dans lesquels la petite échelle n’empêche pas une productivité élevée…" et de réserver le savoir-faire des artisans à la réparation plutôt qu’à la création d’objets sur mesure.

La démarche Low-tech qui fait appel à des outils ou à des composants de haute technologie ne serait donc pas disqualifiée ? La dénomination Low-tech, traditionnellement associée à la notion de bricolage et d’artisanat est-elle trop restrictive ? Ne faudrait-il pas concevoir la philosophie Low-tech comme un projet de société basé sur les notions d’accessibilité, de convivialité et de durabilité ? La production industrielle d’objets du quotidien, sobres, utiles, démontables, exempts de gadgets sophistiqués et inutiles, réparables, recyclables est-elle envisageable ? Actuellement la production de masse est pilotée par des détenteurs de capitaux et des actionnaires qui sont en capacité de mobiliser de très gros investissements s’ils espèrent des retours financiers importants. Cette logique conduit à protéger les secrets de fabrication par des brevets et à produire

en grande quantité des objets uniformisés, qui s’imposent aux citoyens contrains de s’y s’adapter. Seul le profit compte, l’utilité réelle, la pertinence et la sobriété ne sont que secondaires. Pour que les profits durent, il est tentant de concevoir des produits non réparables, difficilement démontables et de ne pas proposer de pièces de rechange. L’obsolescence programmée et le marketing, destiné à créer sans arrêt de nouveaux besoins, font donc partie de la stratégie financière. La dimension environnementale est absente de la pensée industrielle, sauf quand elle est contrainte par des normes ou qu’elle fait face à des augmentations de coût de l’énergie ou à des difficultés d’approvisionnement en matériaux en voie de raréfaction. Il reste donc à développer une industrie d’accompagnement de la transition écologique, basée sur les principes de l’économie sociale et solidaire, financée par des fonds citoyens, avec un objectif de résilience, de respect de la démocratie et de l’écologie.

De fait, c’est toute la société qui doit devenir Low-tech. Il faut donc concevoir une articulation pertinente entre récupération, bricolage, artisanat et production industrielle de masse. Même si quelques industriels investissent le segment des Low-tech (4), il reste encore de nombreux espaces à conquérir pour une industrie sobre et utile, en rupture avec le système capitaliste dominant.

Sources : ingénieurs engagés ; Ademe ; glocal low-tech ; low-tech lab...

1 : Au bonheur des chutes à Auxerre : collecte et revend des matériaux de récupération, anime des ateliers et chantiers participatifs. L’assolid’R à Vermenton : gère une prêtothèque d’outillage, anime un espace de formations collaboratif, un répare café et un atelier de réparation vélo. La caserne bascule (casba) à Joigny : Tiers-lieu, nombreuses activités coopératives, répare café, réparation de vélos, jardin géré en permaculture...

 

2 : Low-tech lab : documentation, tutoriels, stages de construction du poêlito (petit poêle de masse) ... Tripalium : Stage de construction d’éoliennes Piggott. Ecocentre de Bourgogne, association Acali, lieu-dit les Haverts, Saint Vérain (Nièvre) : Stages énergie solaire (fours, cuiseurs, chauffe-eaux, séchoirs...), éoliennes Piggott, construction paille, tiny house... l’atelier paysan : formation au travail du métal, à la soudure, à la construction de matériel agricole, de poêle de type rocket, de four à pain... picojoule : méthaniseurs domestiques...

3 : Philippe Bihouix : "L’âge des low-tech" aux éditions du Seuil

 

4 : Low Tech Skol à Plouisy (Côtes d’Armor) : centre de formation aux Low-tech. Glocal low-tech : projet de développement et de coordination des Low-tech.  HomeBiogas : méthaniseurs domestiques. SCTD industries : panneaux solaires avec stockage sur batteries, méthaniseurs methatec... Aveli : Acteurs de véhicules légers intermédiaires. ADEME et In’VD : organisateurs du salon du véhicule intermédiaire de Millau ; No oil : rétrofit électrique de deux roues. R-fit : rétrofit électrique pour véhicule 2CV, 4L, R5...

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